Wilhelm von Humboldt an Alexandre de Fauris de St. Vincens, 22.09.1800

|1*| Monsieur,

Monsieur Chardon la Rochette, notre ami commun, vient de me communiquer, Monsieur, les différentes pièces en langage Provençal que Vous avez bien voulû lui envoyer pour moi. J’ai été confondu en vérité des bontés dont Vous m’avez comblé, et sachant que je ne puis posséder aucun titre pour m’y attendre, je les regarde d’autant plus comme un pur effèt de la complaisance généreuse de Votre caractere et en conserve une reconnoissance d’autant plus vive et plus sincère. En m’adressant à notre ami la Rochette je tachai uniquement de me procurer quelques échantillons de l’idiôme de Votre province et je me vois enrichi par Vos soins de tout ce qu’il est possible à peu près de posséder dans ce genre.

Il n’appartenait en effèt qu’à un savant aussi zêlé que Vous, Monsieur, à contribuer par tout à étendre les sciences de venir au devant, comme Vous venez de le faire, un desir d’un litérateur étranger, et si j’ai été charmé de voir d’enrichir ma petite bibliothèque par des morceaux aussi intéressans et rares en partie, j’ai ressenti une joie bien plus sensible encore de trouver par là l’occasion d’entrer en liaison directe avec une personne de Vos lumières et de Votre caractère, Monsieur. J’ai lû avec le plus grand intérèt la notice sur les travaux et la vie de Votre illustre père, que Vous avez bien voulû joindre aux pièces provençales, et il serait impossible certainement de trouver une image plus touchante que celle |2*| qu’offrent les études réunis d’un père & d’un fils animés d’un zèle egal pour les progrès des sciences et des mots, et dorées des mêmes talens pour briller dans une carrière aussi difficile à fournir. Mais quels regrets Vous préparez à Vos lecteurs, Monsieur, en leur disant que les mémoires intéressans que conjointement avec Mr. Votre père Vous avez rédigés sur les points les plus intéressans de l’histoire de Votre patrie ne peuvent pas encore être donnés au Public.[a] Je ne sais point de quelle nature peuvent être les raisons qui Vous en empêchent dans ce moment, mais je croirais|?| faire tort aux sciences si je ne tachais pas aussi de mon côté à Vous engager d’éloigner, s’il est possible, les difficultés qui s’y trouvent, et de publier cet ouvrage ainsi que l’autre dont Vous parlez sur les recensemens de la Provence, qui me parait plus intéressant encore puisqu’il Vous donnait plus d’occasion de répondre du jour sur des objèts qui malgré tous les soins que l’on y a mis, sont encore toujours encore trop peu connus ou approfondis.

Je tacherai de trouver avec le tems, s’il est possible les deux ouvrages in 4. dont Vous parlez dans Votre lettre à Mr. Chardon la Rochette et qui à ce que Vous dites sont fort rares. Quant à Goudilin[b] je le possedais déjà aussi qu’un autre ouvrage, dont Vous ne faites pas mention, dans le langage Gascon: Lou Trimfe de la Lengòvo Gascovò[c]. Occupé depuis longtems de l’étude des langues, et recherchant surtout dans ce moment l’histoire des langues provenantes de la latine, je ne saurois Vous dire quel cadeau précieux Vous m’avez fait en m’envoyant ce qu’il y a de plus intéressant et de plus rare dans l’idiôme le plus intéressant à cet égard.

J’avais l’espérance il y a six mois, de faire, Monsieur, Votre connaissance personnelle à Aix. Mais malheureusement des obstacles que je ne pouvais point lever, s’opposèrent que à ce que je prisse cette route à mon retour de l’Espagne en France. Je l’ai vivement regretté, mais nourrissant|?| un grand gout pour les voyages, je ne renonce pas encore à l’espoir de voir se réaliser ce projet.

Veuillez en attendant, Monsieur, agréer encore |3*| une fois l’expression de ma plus vive reconnaissance, et l’assurance sincère des sentimens d’estime et d’attachement avec lesquels je serai toujours
Monsieur,
Votre très-humble & très-obéissant serviteur,

de Humboldt.
à Paris, (rue Honoré, nr. 88.)
ce 5. jour complément.
an 8.[d]
|4*|
A
Monsieur Fauris de Saint Vincens,
à
Aix.

Fußnoten

    1. a |Editor| Vater und Sohn Fauris de St. Vincens begründeten eine Antikensammlung, die 1821 zum Grundstock des heutigen Musée Granet in Aix-en-Provence wurde.
    2. b |Editor| Gemeint ist eine Ausgabe des Werkes (von 1700) von Pierre Goudelin (eig. auf Occitanisch: Pèire Godolin), eines occitanischen Dichters (1580–1649); s. Schwarz 1993, S. 20 Nr. 74.
    3. c |Editor| Siehe Schwarz 1993, S. 20 Nr. 75.
    4. d |Editor| D.h. der 22. September 1800.