Wilhelm von Humboldt an Eugène Burnouf, 20.05.1830
|91r| Monsieur,Je dois paroitre bien coupable à Vos yeux, Monsieur, de ne pas avoir repondu plutôt à une lettre aussi pleine d’intérêt et de bienveillance que celle que Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire l’année dernière. Je n’entreprendrai pas d’excuser ce long silence. Je Vous prie seulement de voir que je n’en ai pas été moins sensible à tout ce que Vous m’y dites de flatteur et d’amical. Vous avez été, Vous et Mr. Votre père, à qui je Vous prie de présenter l’expression de tous mes sentimens, infiniment trop bons de prendre tant de peine par rapport à la petite affaire que j’avois pris la liberté de Vous recommander. Je Vous prie instamment de n’y plus penser.[a] Il me suffit de savoir que Vous rendez justice à mes argumens, et que dans Votre mémoire sur le Vendidad Sadé Vous avez presqu’ adopté mon systeme. Tout ce que Vous tenez, c’est que par respect pour les Manuscrits Vous n’en faisiez pas de même dans Votre Edition d’un Pourana[b]. Je répondrai seulement à cela, que personne n’imprime jusqu’ici de la manière qui est pratiquée dans les Manuscrits, puisque ceux-ci divisent et séparent en syllabes et séparent les mots toutes les fois que la séparation des syllabes coincide avec celle des mots. Les diverses manières dont on imprime àprésent, dévient toutes plus ou moins de celle des Manuscrits. – J’ai étudié le mémoire dont je viens de parler, avec une véritable admiration. Vous y ouvrez, Monsieur, des voyes entièrement neuves à la recherche des |91v| communications des peuples qui précèdent tout ce que l’histoire et la tradition nous fournissent. Vous frayez le chemin pour remonter aux sources mêmes du Sanskrit, et la méthode que Vous suivez dans Vos découvertes, est si sûre et si solide qu’elle éloigne jusqu’au plus léger doute sur la justesse des résultats auxquels elle Vous conduit. Il est étonnant quel immense travail préparatoire que Vous avez dû faire pour arriver au point auquel Vous Vous trouvez maintenant. J’admirois déjà Votre profonde connoissance du Zend alorsque Vous eûtes la bonté de m’accorder une si longue séance pour m’en donner quelques idées, mais je vois que Vous avez fait d’immenses progrès encore depuis ce temps. Puissiez-Vous terminer sans interruption Votre Vendidad Sadé. Ce sera un ouvrage unique. Il fera vraiment revivre le Zend que personne n’a jamais connû en Europe avant Vous et que pourroit approfondir sans y apporter, ainsi que Vous, la connoissance exacte et parfaite du Sanscrit. – Je n’ai pas manqué de recommander fortement Votre ouvrage, Monsieur, à notre Ministère de l’Instruction publique. Le Ministre m’a répondû officiellement qu’il a dirigé l’attention de toutes nos Universités sur la nécessité de souscrire à une entreprise aussi intéressante pour leurs Bibliothèques. – Votre note sur la grammaire Siamoise dans le Journal Asiatique m’a causé une vive satisfaction. Les observations que Vous y faites sur cette langue remarquable, sont, on ne peut pas plus, ingénieuses. Je me suis occupé avec assiduité de la langue Barmane qui est de la même famille. Mais je n’ai pu me procurer la Grammaire Siamoise. Toutes mes recherches à Londres ont été inutiles.[c] – J’ai étudié avec soin depuis quelques temps les langues du Décan[d], surtout le Telinga. J’y ai trouvé fort singulier que les changemens des lettres initiales et finales des mots dans leur contact ne dependent à beaucoup près pas autant de la nature de ces lettres que de la catégorie grammaticale des mots auxquels elles appartiennent. Dans le Sanscrit cette circonstance n’influe que très-médiocrement sur le Sandhi. Ce sont en général des langues qui méritent une grande attention. – J’ai passé |92r| tout l’hiver dernier dans la plus profonde solitude à la campagne d’où je Vous écris ces lignes. Je continuerai probablement ce genre de vie qui convient si bien a l’isolement auquel m’a réduit la perte funeste que j’ai faite l’année passée.[e]
Veuillez, Monsieur, me continuer Vos bontés et Votre amitié auxquelles j’attache un si grand prix, et agréer en même temps l’assurance de mes sentimens les plus distingués.Humboldt
à Tegel près de Berlin, ce 20. Mai, 1830.
|92v, Anschrift:|
A Monsieur,
Monsieur Eugene Burnouf,
Professeur à l’école Orientale cet. cet.
Paris.
rue de l’école de Médecine,
nr. 13.
Fußnoten
- a |Editor| Bösch 2006, S. 273 Anm. 394: "Mit der 'petite affaire' spielt Humboldt wohl auf seine ein Jahr zuvor geäußerte Bitte an, Eugène Burnouf möge sich um die Verbreitung von Humboldt neuester Abhandlung zur Sanskritschreibung in französischen Zeitschriften bemühen. Im Juni 1830 erscheint mit einjähriger Verspätung die von Humboldt im vorangegangenen Brief angeregte französische Übersetzung seines Anhangs zu Rückerts Rezension im Nouveau journal asiatique."
- b |Editor| Es ist nicht klar, auf welche Purana-Ausgabe Humboldt hier anspielt. Die Edition der Bhâgavata-Pourâna, eines der Hauptwerke von Eugène Burnouf, erschien in drei Bänden erst in den Jahren 1840–1847. Außerdem erschienen in den 1820er-Jahren mindestens drei Aufsätze im Journal Asiatique mit Anmerkungen und Auszügen der 18 Puranas. Vgl. auch den Brief Humboldts an Jean-Louis Burnouf vom 15. September 1825. Dort lässt sich Humboldt im letzten Absatz des langen Briefes über die Arbeiten des Sohnes Eugène aus. [FZ]
- c |Editor| Die von Burnouf rezensierte Thai-Grammatik von James Low fand schließlich doch ihren Weg in Humboldts Bibliothek: Schwarz 1993, S. 40 Nr. 289. [FZ]
- d |Editor| D.h. Dekkan, der südliche Teil des indischen Subkontinents. [FZ]
- e |Editor| Anspielung auf den Tod Caroline von Humboldts am 26. März 1829. [FZ]