Alexander von Humboldt an Wilhelm von Humboldt, 15.02.1823
Strasbourg le 15. Févr. 1823.Me voilà arrivé très heureusement le 6me jour à Strasbourg après avoir couché à Schleiz, à Hohlfeld[a] près Bamberg et à Bruchsal. Le tems a été si doux que j’ai presque toujours été sans manteau et sans sac de piés. Etant arrivé déjà à 4h du soir à Wittenberg, j’ai continué ma route et j’ai passé la nuit à Leipzig. Cet incident seul m’a empêché d’aller voir le Docteur aux hiéroglyphes, mais en revanche je soignerai ses intérêts à Paris. Après toutes les jouissances que j’ai eues chez Vous à Berlin, je craignais quelques contrariétés dans le voyage. Je tiens beaucoup au système des compensations, et après tant de bonheur dans le dernier mois, je devais croire que mon étoile m’abandonnerait. Heureusement il n’en a pas été ainsi. Ma santé est excellente, malgré le Warmbier et le vin chaud de Canelle dont je me suis trop souvent drogué. Ma voiture qui a déjà fait 1600 lieues n’a pas eu un clou de malade. Que te dire mon cher cher frère de la reconnaissance que je dois de nouveau à toi et à la chère Li des innombrables bontés dont j’ai été l’objet pendant mon séjour à Berlin. Le souvenir de ce tems heureux ne s’éffacera jamais. Où trouver dans une seule famille une telle réunion de vertus publiques et privées, de talens, de gaîté ... J’embrasse la chère Li, la mère et la fille, dont la santé j’espère ne deviendra pas de nouveau chancelante, Adelaide, Gabriele, Hedemann, Bülow et Hermann, que je nomme le dernier seulement pour fermer le Familienkreis. De ma vie je n’ai vu un jeune homme qui m’ait paru d’un plus charmant caractère. Je pars dans l’heure pour Paris où je serai du 17. au 18. On est ici un peu plus à la Paix. Adieu mon cher et excellent ami. De la vie je n’ai tant aimé.
Humboldt.