Jean-Louis Burnouf an Wilhelm von Humboldt, 05.04.1826 (Konzept)
|77r| Mr le B.Je profite du départ de Mr Bopp pour répondre à la lettre intéressante que vous m’avez fait l’hr[a] de m’écrire le 15 7bre 1825, et qui ne m’a été remise qu’un certain temps après parceque j’étais en voyage à cette époque. Permettez d’abord, Mr le B. que je vous remercie des détails si instructifs où vous voulez bien entrer sur plusieurs points de <la> philosophie du langage. Vous faites une observation très frappante sur les idiômes modernes de l’inde qui, parlés par des peuples d’une culture intellectuelle peu avancée, n’en observent pas moins les <des> nuances delicates <analogues à celles> du Sanskrit dans les permutations des lettres et l’assimilation <la combinaison> des consonnes. C’est effectivement une chose digne de remarque et qui prouve la puissante influence d’une p****ere habitude <des habitudes locales>; elle suffirait seule pour répondre aux sceptiques (s’il en est encore) qui prétendent que le sanskrit est une langue artificielle et n’a jamais été parlée. Au reste, une fois admis que les Télingana, par exemple, combinent les lettres et a*****ent <assimilent> les sons <sons> coe[b] en sansk., il n’est pas étonnant que le peuple ne comprît point un homme qui, en parlant, négligerait ces changements. Le peuple en effet n’analyse rien, et plus il sera ignorant, moins il analysera. Pour lui une phrase c’est un mot; si un homme instruit va la scinder, la fractionner, chaque partie ne présentera aucun sens à l’hoe[c] grossier dont la pensée s’est produite, pour ainsi dire, toute d’une morceau <pièce>. La pensée est synthétique de sa nature; la parole, qui la prend <saisit> et la reçoit à sa naissance, la rend comme elle la[d] reçue, c. à d.[e] synthétique. Après vient l’écriture, qui exprime la parole, coe la parole exprime la pensée. Tant qu’on restera dans le point de vue |77v| spontané, c. à d. tant qu’aucune cause étrangère ne fera sentir à celui qui écrit le besoin de considérer séparément les éléments de la parole, il aura une tendance naturelle à tout réunir. Or cela arrivera dans deux cas; premièrement si l’écrivain est parfaitement instruit et s’identifie à la conception de l’auteur; secondement, s’il est parfaitement ignorant et ne voit dans ce qu’il trace que des sens morts pour lui; ou bien si comprenant le sens général il n’a aucune connaisance des règles grammaticales <de la grammaire>. Ce dernier cas et arrivé à beaucoup de copistes des MSS. grecs dans le moyen age, et il est probable que le premier arrivait <assez souvent> à ceux qui copiaient les mêmes ouvrages à l’époque de leur composition. Les grecs modernes ont la plupart des règles euphoniques des anciens Quant sont venus les grammairiens, ils ont reconnu l’abus de ces liaisons; coe leur art s’exerce sur les éléments, il a fallu qu’ils les montrassent séparés et les considérassent en eux-mêmes. D’un autre coté, le national qui voulait se rendre compte des procédés de son esprit dans l’énonciation de la pensée, l’étranger qui voulait apprendre la langue, ont eu besoin d’analyser aussi. Au point de vue spontané a donc succédé l’époque reflexive, qui remonte bien haut pour le grec, qui commence à peine pour le sanskrit. L’esprit analytique a peut-être été poussé un peu loin en grec. Ainsi |78r| il est certain qu’on écrivait anciennement τὸμ πόλεμον, d’où l’on peut inférer que le π modifiait le son du μ <de la nasale> à peuprès comme aujourd’hui. Cependant la clarté a induit à écrire τὸν πόλεμον, ce qui met <très probablement p|our| l’ancien grec & certaint[f] p|our| la moderne> l’orthographe en désaccord avec la prononciation. Les grecs ne s’y trompent pas; pas plus que nous en prononçant neuv’hoes[g], ce qui est écrit neuf hommes. Je suis donc loin de me plaindre de cette orthographe, produit fort commode de la reflexion qui a renoncé à peindre la parole par masses, pour la représenter en détail. Mais je n’exigerais pas plus que vous, Monsieur, qu’on l’adoptât entièrement pour le sanskrit. Je pense qu’on aurait tort d’écrire une sourde, quand il faut prononcer une sonnante. Mais ceci convenu, je suis convaincu de la nécessité de diviser, sauf à employer le viram toutes les fois que le mot finit par une consonne, et à écrire les voyelles initiales. Le modèle que vous donnez sur <de> quelques vers des lois de Menou me paraît audessus de toute objection, et les considérations sur lesquelles vous l’appuyez sont sans réplique.
Seulement j’oserais me permettre de demander grâce pour l’union de {na} quelques personnes trouveront peut-être que {n’abhūna} écrit ainsi, aulieu de joindre na avec le mot suivant n’est pas n’offre pas assez d’avantages |78v| pour faire cette innovation. En grec nous écrivons κἀγώ, et non pas κ’ ἀγώ, κἄπειτα et non pas κ’ ἄπειτα. Lorsqu’il y a véritablement crase la division paraît difficile, et même elle n’atteint pas complettement son but; car on ne elle ne fait pas voir si l’a du second mot est bref ou long, parlui-même, puisque, dans le mot cidessus p.e., l’a de na rend l’autre long quand il ***it <quoi qu’il soit> bref. Aureste mon opinion personelle est pour toute division possible. J’oserais même vous demander la permission, Monsieur <le B.>, de faire insérer dans le jal asiatique un extrait de votre lettre[h], si vous avez la bonté de me faire savoir que cela ne vous déplaît pas. Ce serait un antécédent premier pas, et comme on dit un antéprécédent qui pourrait accélérer la reforme, que je regarde coe absolument nécessaire, si on veut que la science sanskritique parvienne aux destinées qui me paraissent auxquelles je la crois appelée. Car le temps viendra, je pense, où l’on ne pourra plus être, p.e. helleniste un peu fort, par exemple, sans connaître au moins le système de la langue sanskrite.
Il y bien d’autres points dans votre lettre, Mr le B. qui ont vivemt excité mon intérêt. Par ex. Ce que vous dites des Accents secondaires sur les longs mots me paraît extrêmement juste, en l’appliquant <surtout> aux mots vraiment composés. Quant à ceux qui ne sont réunis que par l’écriture, je ne puis douter qu’ils ne conservassent chacun leur accent <tonique> individuel, modifié p-être par l’accent oratoire et **** <le talent> du lecteur.
|79r| Car dans une langue <aus>si travaillée sous le rapport de l’euphonie, la lecture devait-être un art véritable. Vous dites fort bien que cet art est à jamais perdu pour nous. Du reste votre conjecture que l’ă bref n’avait <souvt[i]> qu’un son obscur, indéterminé, mi-muet, m[’a été] est <m’a été> confirmée positivemt <(au moins p|our| la maniere actuelle de prononcer le sanskrit)> par un <un> voyageur instruit <instruit> qui a séjourné aux indes. C’est pour cela que des anglais ont souvt representé par leur u bref ce que nous représentons par a.[j]
Fußnoten
- a |Editor| D.h.: "honneur".
- b |Editor| D.h.: "comme".
- c |Editor| D.h.: "homme".
- d |Editor| D.h.: "l’a".
- e |Editor| D.h.: "c’est à dire".
- f |Editor| D.h.: "certainement".
- g |Editor| D.h.: "neuf’hommes".
- h |Editor| 1827 erschien Humboldts "Mémoire sur la séparation des mots dans les textes samscrits" (von Jean-Louis Burnouf eingeleitet) im Journal Asiatique 11, S. 163–172. [FZ]
- i |Editor| D.h.: "souvent".
- j |Editor| Der Rest der
Ausfertigung fehlt im Konzept:
"À l’égard de la ponctuation, je la crois infiniment utile et même nécessaire, et tout ce que vous en dites, ne me paraît susceptible d’aucune contradiction.
Mon fils vous prie de recevoir avec bienveillance un volume intitulé essai sur le Pali qu’il a composé en commun avec Mr Lassen, qui est aujourd’hui à Bonn. L’impression n’est pas encore terminée. Dès qu’elle le sera, il s’empressera de vous en faire remettre un exemplaire par entremise de Mr Lassen qui vous l’enverra de Bonn. Il ose compter sur l’indulgence avec laquelle vous voudrez bien accueillir cet essai. –
Je vous prie, Monsieur le Baron, d’agréer l’hommage du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être
Votre très humble & très obéisst servr
Burnouf
Paris 5 avril 1826."