Wilhelm von Humboldt an Philippus Pieter Roorda van Eysinga, 14.02.1832
Monsieur,J’ai reçu avec une vive satisfaction la lettre infiniment intéressante que Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire en date du 11. Juillet et 20. Septembre [a], et je m’empresse, Monsieur, à Vous en offrir mes plus vifs et sincères remercimens.
Cette lettre est une vraye source d’instruction pour moi, j’y ai puisé un grand nombre de notions tout à fait neuves, et j’y ai vû confirmées des suppositions que j’avois formées. C’est ainsi que je m’étois apperçû de la méthode d’indiquer le Prétérit par un n initial; j’avois tiré cette donnée des langues des isles Philippines et de Madagascar, et je fais mention de cette circonstance, puisqu’elle prouve l’affinité de toutes ces langues et la grand utilité d’en réunir l’étude. J’attends avec impatience les communications altérieures que Vous voulez bien me promettre, et je Vous supplie instamment de ne pas discontinuer de rectifier et de completter mes notions du Kawi et du Javanois. Je possède depuis mon retour ici un Dict. Javanois-Anglois manuscrit que Mr. Crawfurd a composé pendant son séjour à Java. Il est beaucoup plus riche en expressions que le Vocabulaire de Mr. Gericke, et il me paroit correct, autant que je puis le comparer avec ce dernier. Mais je serois bien plus heureux de pouvoir consulter le Vôtre, Monsieur, et je ne puis assez Vous engager à en hâter la publication.
Vous observez avec beaucoup de justesse, Monsier, que la langue Javanoise est la seule langue qui en renferme deux différentes en elle. La chose s’explique cependant par la circonstance que la Grammaire de ces deux langues est la même. Vous me ferez peut-être l’objection, Monsieur, que les Pronoms, la formation des degrés de comparaison, les affixes du Passif, des verbes causatifs, des temps des verbes et cet. diffèrent entièrement dans le Kromo[b] et le Ngoko. Cela est parfaitement vrai; mais tout cela se réduit à la différence du son des syllabes dont on fait usage, la méthode de les employer, l’habitude de les placer avant ou après, le sens qu’on y attache, ainsi que la Syntaxe, sont les mêmes. Les formations plus artificielles qui distinguent le Javanois, l’insertion de la syllabe in pour changer l’Actif en Passif, la permu-tation des lettres initiales des Verbes cet. appartiennent aux deux façons de parler. C’est par là que l’unité de la langue se conserve et qu’un Javanois du peuple apprend facilement à manier le Kromo, tandis qu’il s’habitueroit très-certainement avec grande difficulté au Latin quelque grand que fût le nombre de mots Latins qu’il pourroit avoir appris. Ce qui m’étonne le plus, et ce que je ne puis encore m’expliquer, c’est que parfois la différence du Kromo et Ngoko ne consiste que dans une seule lettre, comme Jawi et Jowo, dadah et daduh. Là où le i désigne le Féminin, comme en dewi, putri, cela se comprend aisément, puisque cette désinence féminine est Sanscrite, mais cela n’est pas le cas ici. Et que dire de la terminaison haken et hakē?
Vous attribuez, Monsieur, l’origine du Kromo avec raison en grand partie à l’influence de colonies Hindoues. J’avoue cependant que ces colonies n’expliquent pas entièrement le phénomêne extraordinaire. Car un certain nombre de mots est commun au Kromo et au Ngoko, et un autre qui appartient exclusivement au premier, n’est pas du tout d’origine Sanscrite, mais trahit par son affinité avec des mots d’autres langues Malaies son origine indigène. Il y a donc là encore bien des problêmes à résoudre.
Mon travail sur la langue Kawi avance journellement j’y travaille avec la plus grande assiduité. Mes recherches m’obligent à traiter fort en détail beaucoup de questions importantes touchant la Grammaire Javanoise, et je suis bien curieux de voir, si Vous approuverez, Monsieur, le systême que je m’en suis formé.
Aujourd’hui je me bornerai à Vous entretenir du pronom kita. Le point, si ce pronom est aussi employé pour désigner la seconde personne? est de la plus grande importance rélativement à d’autres questions sur les Pronoms des langues Malaies. Je prendrai la liberté de Vous soumettre les passages du Brata Yuddha dans lesquels kita me paroit signifier tu ou toi. Je Vous prie de les examiner avec soin et de me dire, si j’ai raison? Je désire infiniment de connoître Votre opinion là-dessus, avant que de commencer l’impression de mon ouvrage.
Stance 4. (texte et traduction angloise de Raffles[c]):
Tang’gap tosna nograha ku ri wukang ku Jaya Baya rang’e
nikang Praja
Satiastu prabu chakra wartia kita ring sabuana Jaya
satru ring mosu
Teknan lang’gen’a satmaka na ku lawan kita tulusa Batara
ring Jagat
Yekan sabda nira tro telasi nastoakan nira resi sang’gia
ring lang’it
Traduction:
Receive from me a blessing, oh my son Jaya Baya!
– Hear me! In thy country
Thou shalt become the chief of the whole circle
of princes, and in war victorious over the enemy.
Be firm and fear not, for
thou shalt become as a Batara.
This declaration pronounced with solemnity,
war treasured in the memory of all the holy Pandita of heaven.
Notes. v. 1.
tanggap, recevoir. Crawfurd.
tosna, devroit être
tusna, mot Sanscrit: plein d’allégresse,
de bonne humeur.
nugraha-ku, mon don, cadeau, mot
Sanscrit:
anugraha.
ri, particule explétive, précédent ici
le Vocatif. A Madagascar on place souvent
ri devant les noms propres, comme en
fait de
pun en Javanois.
wukang. Je ne trouve pas ce mot dans mes
Vocabulaires Javanois. J’imagine qu’il a la même signification que
bujang, (Mal.) garçon, et qu’il faut le
dériver du Mal.
būka (en Tagala
bukàs) ouvrir, commencer.
ku, mon.
Jaya Baya, nom propre.
range; ce mot me laisse très-incertain.
Les Traducteurs Anglois le prennent comme
mireng. Mais
rangen dans un autre passage du poëme ne
peut pas avoir cette signification. L’e final pourroit
être le pronom
he en signe de Génitif pour
rangnge; car Raffles néglige souvent les règles euphoniques. Je trouve dans
la Grammaire de Mr.
Gericke
rarangkullan, plusieurs qui s’embrassent
ensemble, et chez Crawfurd
ngrangku embrasser.
Kul, venant du Sanscrit, remplit seul
cette idée, car je trouve employé en Kawi ainsi le verbe
ngol. Qu’est ce donc que
rang veut dire dans cette acception?
nikang; je ne sais que faire de ce
ni. D’après la Grammaire Tagala[d] il indiqueroit un Génitif.
Kang est le pronom rélatif placé souvent
en Javanais sans Démonstratif devant le Substantif ou au commencement de la
phrase.
praja, les sujets d’un souverain, mot
Sanscrit.
v. 2.
satyastu, mot indéclinable, formé de
deux mots Sanscrits disant: qu’il soit vrai!
prabu, mot Sanscrit, prince, souverain.
chakrawartia, mot Sanscrit, titre
particulier d’un Souverain suprême gouvernant le monde entier. La désinence a me semble être ici la syllable ha qui indique l’Impératif en Javanois. Mais je la trouve
très-communément ajoutée dans le poëme Kawi aux verbes là où le verbe ne peut
pas être pris dans le sens de l’Impératif, et voudrois bien savoir
ce que vous en pensez, Monsieur.
kita, toi.
ring me paroit simplement remplacer
hing.
sabuana, mot Sanscrit précédé de sa, le monde entier.
jaya satru, mots Sanscrits, mais le
Génitif placé d’après la construction Javanoise, vainqueur des ennemis.
mosu;
musuh, ennemi.
v. 3.
tekuan,
tekuwan,
tekwan se trouvent toujours placés au
commencement d’un vers, mais j’en ignore entièrement la signification.
langgenga, certain, ferme. Crawf. à l’impératif.
satmaka peut être composé de l’Adjectif
du mot Sanscrit: esprit, intelligence, et de la préposition sa. Il signifieroit alors
compos mentis, ou être d’un même
sentiment, d’un même caractère avec quelqu’un.
na ku, doit former un mot ensemble;
naku est en Tagala le Génitif de moi; mais peut-être faut-il corriger le texte et
lire
hanakku, mon fils.
lawan, contre, aussi, et.
kita, toi.
tulusa, constamment, toujours; a indique l’Impératif, du reste j’en ai parlé
ci-dessus.
Batara, un dieu.
jagat, mot Sanscrit, le monde.
Traduction. v. 1. Reçois plein d’allégresse mon don, o mon fils, Jaya Baya, ....
(ceux) qui (sont tes) sujets;
v. 2. qu’il soit vrai, que tu sois Prince
Souverain suprême du monde entier, vainqueur d’ennemis parmi tes adversaires.
v. 3. sois ferme, d’accord avec moi et que tu sois pour toujours un Dieu
dans le monde.
J’ai essayé de donner à
kita l’acception du Pronom de la 1.
personne, mais il faut alors, ce me semble, forcer le sens et la contruction. Il
faut traduire dans ce cas:
v. 2. – – – {je /
kita} suis le Prince cet.
v. 3. que
(tu) sois {vis à vis de moi / lawan kita} un Dieu cet.
T’her awarahi geng ning duka ngande hirisira
Saha wuwus ira mas’ret déning luh lagi
pinegeng
Kita tiki bapa tambang kun mariyang regepa
lara
Sawulata saguyu m’wang sang pandut’maja saweka
Traduction:
And immediately told him of all the sad grief and consequent
shame which filled her mind
With a choked utterance and a strenuous effort to suppress the
rising tear,
“O! my friend and protector,“ said she, “thou bringest
consolation and comfort to my breaking heart,
Making me feel as happy as if
I were at this moment in the delightful company of all the sons of Pandu.“
Notes:
|Humboldt| V. 3. |Buschmann|
kita, toi. |Humboldt|
tiki m’est inconnû,
|Buschmann|
bapa, père. Crawfurd.
tambang. Je trouve dans le Vocabulaire
de Crawfurd:
tambang, lien, corde;
tambah, augmenter, ajouter. En Malais
tambang est une mine, mais se dit aussi
du transport de marchandises et de personnes. Peut-être que le mot est pris
métaphoriquement ici et veut dire soutien, guide.
kun; le pronom ku, mon. L’n final doit être euphonique. Je
trouve souvent en Kawi un n ou ng qui ne semble pas appartenir au mot qu’il termine.
mariyang. Je sépare ce mot.
Mari, tu viens;
yang paroit être un pronom rélatif en
Kawi, le
tang du Malais. Tu viens comme celui
qui. Je trouve souvent
sang yang (celui qui) devant un tître ou
un nom.
regepa – réjouir quelqu’un, charmer.
Crawfurd. J’ai déjà parlé de l’a final.
lara – chagrin.
Traduction:
Toi .... mon père, mon soutien, tu viens comme celui qui charme
mon chagrin.
La question, si kita pourroit être pris ici pour moi, me semble dépendre de la signification de tiki. Je n’ose donc rien décider.
Yedian kita mejahani kurunata nang’ga
Bahna pratitnia gati sang Prawaria Bima,
Moang Dropadi basa matan pag’lung gatinia
Yen tan pakadiusa rirah sata kuraweng prang
Traduction:
“If you resolve upon the destruction of Kurunata, his
destruction must ensue:
“But hink once more of the agreement of Naharia
Bima,
“And of the pledge of Drupadi, who has vowed not to bind her hair
“Until she shall have bathed in the blood of the hundred Kurawa.“
Notes:
Yedian – en Javanois
yēn, en Sanscrit
yadi – si.
kita – toi.
mejahani –
mejah ou
mejahhi, tuer. Mais que veut dire la
terminaison ani?
Kurunata – mot Sanscrit, Roi des Kurus.
nangga – Je trouve dans le Brata Yuddha manangga et
panangga, et ces formes, ainsi que
nangga, me semblent venir par le
changement usité de lettres de
tanggah, mot Kawi signifiant victoire,
gain, profit (Raffles. Vol. II. p. CLXXI. col. b.).
tanggap, recevoir, dont je trouve
pananggap, semble être de la même
famille.
Nangga seroit donc gagner la victoire.
Traduction:
Si tu tues le chef des Kurus, tu gagnes la victoire.
Comme ce sont les Saints, alliés de Krishna, qui parlent, on pourroit vouloir traduire kita par nous, mais si on lit attentivement ce qui précède ce passage, on voit que cela est impossible. Ceux qui parlent, ont simplement en vue ce qu’ils supposent que Krishna va faire.
Kunang sa’uri sang kinarya pinaka gra
chudamane
Bapangku laki ayo’a sang saya uripku ta lap
huwus
Kita naku jayéng ranang’gana teher madre wi’a
pura
Sirang Nerepati Kresna saksi’a yadi’an merosa
ringwuwus
Traduction:
Then spoke those who were thus made a brilliant
object of adoration and respect:
“Our noble child, suffer no uneasiness of
mind, for you have already deprived us of life.
“Child of ourselves, may
you be successful in battle and soon obtain possession of the country.
“And
my Narapati Kresna witness the truth of our words.“
Notes:
v. 1.
Kunang,
kuneng paroissent être des Adverbes ou
des Conjonctions.
Kunneng veut dire cesser, arrêter,
d’après Crawfurd;
kunno auparavant.
sauri –
sahur avec le Suffixe verbal hi, répondent.
sang kinarya – Passif de
karya, mot Sanscrit, ceux qui sont
faits.
pinakagra – composé du mot Sanscrit
agra, la pointe la plus élevée, le faite
d’une chose, et de
paka. Je ne trouve pas paka dans mes Vocabulaires, mais dans le Brata Yuddha
pinakagra chudamane est: être placé au
faite en guise de bijoux du Diadème;
pinakagra senapati, être élevé à la
place de Chef de l’Armée;
pinaka seraga, être mis à la place de
confident;
pakadiusa rirah, mettre le sang à la
place du bain (dhus,
hadhus, se baigner. Crawfurd.), dans un
passage où une Princesse veut se baigner dans le sang de ses
ennemis. Le mot Malai
|Humboldt| pākei |Buschmann| peut servir en quelque façon à
l’explication de ces phrases. Mais en langue Tagala
paka, au Passif
pinaka, est un Préfixe qu’on ajoute dans
le sens ici indiqué au mot qui exprime l’objet auquel une personne doit
parvenir, ce qui explique exactement ces locutions de la langue Kawi.
chudamane – mot Sanscrit: bijoux de
diadème.
v. 2.
bapangku, expression de respect et
d’amour, de mot à mot: notre père. – Le ng doit être
ici et dans
sirang v. 4. purement euphonique? Mais
d’après quelle règle ajoute-t-on et change-t-on ainsi des lettres?
laki – mâle. On adresse probablement le
mot de
bapa aussi aux femmes, de façon qu’il
est nécessaire d’ajouter le sexe.
ayoa sangsaya (mot Sanscrit) n’ayez pas
de crainte!
uripku notre vie.
ta – tu.
lap – D’après Crawfurd
lap veut dire beau, et
lopo être affamé. En langue Tagala
lapi se dit des arbres auxquels on ôte
les branches.
huwus m’est entièrement inconnû.
v. 3.
kita naku –
naku
|Humboldt| semble placé ici comme |Buschmann| le Génitif d’aku. Il l’est en langue Tagale: mais en Kawi? Ne
faut-il pas lire
kito hanakku?
jayeng –
jaya, mot Sanscrit, victoire. La
terminaison est le signe du Génitif ou la préposition
hing qui en Poésie se transforme
quelquefois en
eng. Il faut cependant convenir que dans
ce poëme les mots Sanscrits terminant en a prennent
souvent la terminaison
eng sans que
hing y ait la moindre part:
prapta,
prapteng.
rananggana – mot Sanscrit, guerre.
teher m’est inconnû.
madre wi’a me paroit impossible à
expliquer sans voir le texte même. Je crois la transcription fautive.
pura – mot Sanscrit, ville, païs.
v. 4.
sirang – ce pronom précède comme un
tître honorifique les noms propres.
nerepati, mot Sanscrit, maître des
hommes.
saksia –
saksi, témoin oculaire, mot Sanscrit,
avec l’a de l’Impératif, aujourd’hui ho.
yadian – si.
merosa –
mersa, venant du Sanscrit, veut dire
d’après. Raffles fausseté, mensonge;
merosa pourroit être le même mot.
ring – dans.
wuwus – paroles, discours.
Traduction:
v. 1. .... répondent ceux qui ont été placés au
faite, comme des bijoux d’un diadème:
v. 2. notre père, que tu n’ayes pas
de doute, notre vie tu l’as .....
v. 3. toi, notre enfant, (sois)
victorieux dans le combat! ...... le païs.
v. 4. lui, le maître des hommes
soit témoin, si (il y a) de la fausseté dans (nos) paroles.
Il me paroit impossible de traduire ici kita par nous.
Stance 608.[h]
Ngeng pintangakwa tuan papag nga’ang ngirikang watu
gala-gila namba eng’gung an
Tistisnya ’ngoang ngikana tan wani lumampaha gigu ri
tayenta raksaka
Yadiastun jeneka ’ngamer surawadu kita sumalanga ayo’a
nestura
Pali tapwa welasat ring wang angomeng pati lumaku lana
morang morang
Traduction:
“It is my request that thou wilt meet and carry me across the
ugalagil stone.
“Trembling and fearful should I be without thy support and
assistance,
“Although thou shouldst have many Windadaris at thy command,
yet still reserve a place form me before them all,
“What must not be thy
regard for her, who has thus wandered about after thee, and who is now going to
die for thee?“
Notes:
v. 3.
Yadiastun – Conjonction entièrement
Sanscrite de
yadi, si, et
astu, qu’il soit-quand même. L’n est euphonique.
jeneka – est un mot Sanscrit et veut
dire ou père ou un grand nombre de personnes. Je lui
donnerois ici ce dernier sens. Il forme une espèce de pluriel de
surawadu.
ngamer – le ng
initial doit venir d’un h |Humboldt| ou d’un k |Buschmann| primitif.
Hamor veut dire réunion, se réunir, et
paroit venir de
moro, se rapprocher.
surawadu – mot Sanscrit, femme des
Dieux.
kita – tu.
sumalanga – Je suppose que le mot
devroit être
sumalangga.
Salangga est en Sanscrit souverain, roi.
Avec la syllabe Javanoise
um le mot diroit donc gouverner, être
souverain, avoir sous ses ordres.
ayoa – qu’il n’y ait pas.
nestura – dédain, mépris.
Traduction:
Quand même tu aurois un nombre réuni de femmes
divines sous tes ordres, que tu ne me dédaignes pas.
– L’accusatif précède souvent le verb dans ce poëme.
Si l’on prenoit kita pour la première personne, il faudroit traduire kita sumalanga, laisse m’en être la souveraine; mais la construction devient alors très-difficile.
Stance 606., vers 4.[i]
Wanten ta wekase tangis kwa mene kite suma’ora ayo’a ta minge
Traduction:
“Shall I weep, or what is it thou wouldst have me do? – Speak
and tell me, instead of preserving this unmeaning smile.“
Notes:
wanten m’est inconnû.
ta – tu.
wekase, le désir, avec hē du Génitif.
tangis, de lamentations, de larmes.
kwa – mot Sanscrit, comment.
mene – m’est inconnû.
kite – peutêtre
kita, toi.
sumaora – Raffles omet les h et ècrit souvent o pour
u, ainsi
sumahura de
sahur avec le ho de l’Impératif.
ayoa – particule prohibitive.
ta – tu.
minge –
mingngo, se détourner, s’en aller de
côté. Crawfurd.
Traduction:
..... (as) tu désir de mes larmes, comment .... toi, réponds, ne
te detourne pas.
Ici kita pourroit être la 1. personne, réponds-moi.
St. 592. v. 2.[j] Satia Wati kitan wenanga sabda.
Ce vers n’a rien à faire avec le Pronom. Je crois qu’il faut lire:
Satiawati kitan wenang hasabda
et traduire: S. n’est pas en étât de parler.
Je ne sais pas rendre compte de ki devant tan, mais j’imagine que c’est une syllabe explétive, comme il y en a plusieurs, p.e. dhatan, vi sampunera cet.
J’ai analysé ici tout les passages du poëme imprimé par Raffles, dans lesquels kita se trouve. Il me semble qu’il en résulte que kita désigne également la 2. personne, je tiendrai cependant mon jugement en suspens, jusqu’à ce que Vous en aurez décidé, Monsieur. Comme kita veut dire origin-nairement nous, c’est à dire moi et toi à qui je parle, il ne seroit guères étonnant qu’on l’eût, surtout en différens temps et différens styles, adapté à la 1. et à la 2. personne. Siro s’employe comme 2. et 3. personne.
Votre lettre, Monsieur, fourniroit ample matière à bien d’autres discussions; mais je ne veux pas Vous importuner davantage. Permettez-moi seulement encore une question.[k]
Vous ne voulez pas m’accorder que s-in-abda soit le Passif de sabda, et l’expliquez par si-abda avec un n euphonique. Mais sabda n’est pas un mot Javanois. Il est Sanscrit et ne pourroit jamais être si-abda. Il veut dire parole. Dans le Brata Yuddha il a ce sens et celui d’ordre, commandement. Il s’employe d’après Vous et Mr. Gericke plus souvent comme verbe, ainsi que tant de mots Malais et Javanois servent sans aucun changement tantôt de verbes et tantôt de Substantifs: On en forme ma-sabda, hasabda, pasabda. Pourquoi donc sinabda n’en seroit-il pas le Passif? On en forme de tant de mots Sanscrits. Nous avons eû pinandita de Pandita, sinerrat du mot Arabe serrat, et tant d’autres. Trouvez-Vous peut-être, Monsieur, que sinabda s’employe toujours à l’Actif? Mais le Passif dans les langues Malayes est si souvent seulement une circonlocution de l’Actif qu’il faut, il me semble, plus regarder à la forme qu’à l’emploi.
Je connois les règles de la prononciation Javanoise de l’a et de l’o qui est très- judicieuse en ce qu’elle reserve le son lorsqu’il est fermé par une consonne finale. Je la suis en écrivant des mots Javanois. Mais en Kawi je suis la méthode de Raffles qui conserve mieux l’étymologie Sanscrite. Quiconque ne connoit pas le Javanois, reconnait à peine raja dans rojo, wana dans wono, agama dans hogomo.
Je vois avec grand plaisir par Votre lettre, Monsieur, que Vous possédez entièrement l’Allemand et que Vous m’avez fait l’honneur de lire ma correspondance avec Schiller. Mes lettres et mon avantpropos ont au moins le mérite de partir d’une ami pénétrée d’admiration pour celui qui en est l’objet.
Veuillez agréer, Monsieur, mes excuses réitérées de toute la peine que je Vous donne par mes discussions Javanoises, et l’assurance de mes sentimens très-distingués.|Humboldt| Je reçois dans ce moment même les ouvrages que Vous avez eû la bonté de m’envoyer. Je les étudierai soigneusement, et je m’empresse à Vous en offrir mes sincères et vifs remercîmens.
Humboldt
à Tegel, ce 14. Février, 1832.
Fußnoten
- a |Editor| Offensichtlich hat sich Humboldt bei der Angabe der Daten geirrt; der Brief, auf den er sich bezieht (Coll. ling. fol. 53, Bl. 222–226), stammt vom 31. Juli bzw. 25. September 1831. Dieser Fehler besteht bereits im Briefentwurf Humboldts. [FZ]
- b |Editor| Krama.
- c |Editor| Raffles 1817, II, S. 468.
- d |Editor| Es ist nicht klar, auf welche der ihm vorliegenden Tagalog-Grammatiken (s. Schwarz 1993, Nr. 321–323, 325) sich Humboldt bezieht.
- e |Editor| Raffles 1817, II, S. 477f.
- f |Editor| Raffles 1817, II, S. 482.
- g |Editor| Raffles 1817, II, S. 496.
- h |Editor| Raffles 1817, II, S. 516.
- i |Editor| Raffles 1817, II, S. 515.
- j |Editor| Raffles 1817, II, S. 513.
- k |Editor| Die folgenden Ausführungen beziehen sich auf den von Humboldt mit "25." bezeichneten Abschnitt des Roordaschen Briefes.