Eugène Vincent Stanislas Jacquet an Wilhelm von Humboldt, 15.08.1832

|54r| Monsieur le Baron

J’ai l’honneur de vous adresser les exemplaires du tirage à part de votre Lettre inserée dans le cahier deJuin du Journal asiatique: je regrette beaucoup de n’avoir pu, quelque empressement que j’y aie apporté, les retirer, je pourrais dire, les arracher plutôt des presses de l’Imprimerie Royale

Je vous renvoie, Monsieur le Baron, avec mille remercimens et mille excuses la grammaire Tagala que vous avez eu la complaisance de me communiquer. J’ai commis l’indiscretion de la garder entre mes mains plus longtemps que ne me le permettraient les convenances; mais j’espere, Monsieur, que vous voudrez bien m’excuser sur les deplorables malheurs qui ont rempli ces deux |54v| derniers mois et qui ne m’ont point laissé la libre disposition de mon esprit. Je ne puis vous representer l’etat de torpeur, je dis presque de stupidité, dans lequel je me trouve depuis la mort de Mr Saint-Martin: mes forces intellectuelles et morales sont brisées, j’eprouve une lassitude d’esprit qui affecte ma santé, le plus leger travail me fatigue, je suis epuisé: mes amis sont dans la même situation et subissent egalement l’influence de la consternation: nous avons maintenant à defendre notre existence physique contre les services d’un fleau destructeur, notre existence intellectuelle contre les intrigues de nos ennemis et l’existence morale de nos illustres protecteurs contre les calomnies de la haine qui n’ont pas même attendu leur dernier soupir; c’est une vie d’anxieté et de vertige qui devient de jour en jour plus penible.

Je vous prie, Monsieur le Baron, de ne considérer ces deux ou trois lignes que comme une lettre d’envoi; j’aurai l’honneur dans deux ou trois jours de vous donner plus de |55r| details sur la situation de la litterature orientale en France et de la société asiatique en particulier; si je ne l’ai fait dès aujourd’hui c’est que je ne voulais point apporter de nouveaux delais à l’expedition de vos brochures.

Je vous prie, Monsieur le Baron, de vouloir bien presenter mes respects à Monsieur le Baron Alexandre de humboldt, et agréer l’assurance de la consideration bien sentie avec la quelle j’ai l’honneur d’être votre très humble et obeissant serviteur
E. Jacquet
Paris ce 15 aout 1832

P. S Nous nous occupons presentement à recueillir les divers fragmens inédits laissés par Mr A. Remusat, pour en former une suite[a] à ses mêlanges asiatiques[b]: je sais, Monsieur le Baron, que votre savant ami vous avait adressé une longue lettre sur la particule chinoise naï; vous jugerez mieux que personne si elle est de nature à entrer dans cette compilation; si vous la croyez digne de publication, n’y aurait-il point d’indiscretion, Monsieur le Baron, à vous en demander une copie qui serait remise à Madame Ve Remusat?


E. J. |55v, Adresse|
Monsieur
Monsieur le Baron G. de humboldt
Berlin

Fußnoten

    1. a |Editor| Möglicherweise handelt es sich hierbei um die posthume Publikation Jean-Pierre Abel-Rémusat (1843): Mélanges posthumes d'histoire et de littérature orientales , Paris: Imprimerie Royale.
    2. b |Editor| Siehe hier Mélanges asiatiques und Nouveaux mélanges asiatiques, 4 Bände, Paris: 1825–1829, von Abel-Rémusat.