Wilhelm von Humboldt an John Pickering, 08.12.1834

|1*| Monsieur,

J’aime me flatter que Vous avez reçu, Monsieur, la lettre que j’ai eû l’honneur de Vous écrire il y a quelques mois par la voie de Bremen. J’ai dejà à Vous remercier d’une nouvelle par laquelle Vous voulez bien de nouveau enrichir ma collection linguistique. Je me souviens d’avoir lû qu’on voulait publier à Londres un ouvrage étendu sur la langue Chipperey |sic| mais j’ignore si ce projèt a été exécuté.

C’est premierement par Votre lettre, Monsieur, que j’ai eu connaissance du prix proposé par l’Institut de Paris. Je pense avec Vous qu’on aurait pû proposer des questions plus intéressantes sur les langues Americaines. Je suppose cependant qu’on a voulû désigner par les trois dialectes la langue Delavare et qu’on demande l’esquisse du caractaire |sic| grammatical de cette |2*| langue et des particularites |sic| qui la distinguent des autres du Nord de l’Amerique.

Je sais infiniment bien apprécier l’intention bienveillante que Vous avez eû, Monsieur, de fournir à notre Académie en |sic| mémoire sur ces langues. Mais malheureusement notre reglement ne permet pas d’imprimer dans notre collection de memoires d’autres que ceux lûs dans les séances mêmes par les membres de l’Académie. Je ne voudrais cependant pas que cette circonstance privât le public et la science d’un travail aussi utile. Je Vous conseillerais, Monsieur, de rédiger Votre mémoire, de lui donner l’étendue que Vos autres travaux Vous permettrons |sic| et de le faire imprimer séparément et en Anglais. Cet ouvrage intéressant serait accueilli avec empressement par tous ceux en Europe qui s’attachent à l’étude des langues. Il serait en même temps plus digne de Votre nom qu’un mémoire qui se perd dans la foule de ceux à la suite desquels il parait. Les langues du Nord de l’Amerique sont moins connues que celles du Mexique, de Perou et du Brésil. Ce qu’on en sait on le doit uniquement à Vos soins et à ceux de Mr. Du Ponçeaux |sic|. Il serait donc très utile de donner un tableau de l’embranchement de ces langues des classes qu’elles forment, |3*| de leur caractère général et particulier. Je conçois que Vos occupations ne Vous permettront pas d’entrer dans tous les details minutieux, mais il serait même dans l’intérèt des lecteurs de Vous en tenir aux principes. La grammaire de Zeisberger quelque précieuse quelle |sic| soit, contient beaucoup trop peu de regles et se contente trop de donner les Paradigmes en laissent |sic| au lecteur le travail d’abstraire les premières des derniers. Il serait intéressant en même temps de donner un apperçû statistique des tribûs Indiennes qui avoisinent les Étâts-Unis. Voilà ce qui pourrait former un ouvrage également instructif et important et tout ce que Vous avez dejà publié dans ce genre, Monsieur, prouve suffisamment ce à quoi on pourrait s’attendre de Votre part. Je ne puis donc assez Vous encourager à persister dans Votre projèts de rédiger un mémoire sur cet objèt, mais de lui donner une forme séparée.

Veullez |sic| agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distingue |sic|.
|Humboldt| Humboldt.
à Tegel ce 8 Décembre 1834.