Alexander von Humboldt an Wilhelm von Humboldt, 08.03.1823
Mon cher et tendre ami! Je suis toujours encore touché jusqu’aux larmes quand je t’écris, quand je pense à toi et à la bonne Li, à ces marques de la plus tendre affection dont j’ai été l’objet dans ta maison. Je dis que je suis touché jusqu’aux larmes, il n’y a pas un sentiment profond dans l’homme qui ne soit douloureux. Tel est notre sort! – Tu auras eu la petite lettre de M. Royer[a] dans laquelle je t’ai annoncé mon heureuse arrivée. Ma santé a été parfaite depuis, quoique le tems soit détestable à Paris. Il y a plus d’eau que d’air dans l’atmosphère. Je suis déjà 3 semaines à Paris et encore mes idées se rapportent toujours plus vers toi et les tiens que vers les objets qui m’entourent. Le reflet de ta maison sur le reste de Berlin est tel dans mon imagination que cette Oasis me parait moins épouvantable que je l’avais cru jusqu’ici. Vous serez retombé dans la solitude. Le bon Hedemann et Adelaide doivent être partis et je m’imagine que tu es rendu à tes études. Puisse tu donner de bonnes nouvelles de la santé de la Li. Je l’attends avec impatience. Tu receveras force paquets, cher Bill – un étui de mathématiques le plus beau qu’Arago et moi nous avons pu découvrir pour le cher Hermann; un Tacite pour M. Almus; trois exemplaires de ma Géognosie pour Gerhard, Weiss et Link; pour toi: les livres de Duponceau, la grammaire chinoise, l’essai curieux de Champollion sur les hiéroglyphes phonétiques, le livre de Letronne qui est très important et quelques cahiers de la soc. asiatique. Je t’en enverrai de tems en tems, c’est mieux que de les jetter. Tu y trouveras des choses curieuses que j’ai marquées. J’ai encore pour toi: la grammaire de l’Europe latine de Raynouard et 3 volumes de ses Troubadours, que je conserve pour le courrier prochain. Tu auras aussi sans faute, avec le courrier prochain, la traduction basque du Testament.[b] M. Vanpraet qui te salue bien, me l’a promise avec beaucoup de grâce: elle était prêtée et par malheur quand je l’ai cherchée ce matin, elle n’était pas venue encore: mais tu l’auras sans faute! Les Gazettes t’auront appris les scènes assez dramatiques que nous avons eues ici dans les chambres. Le tumulte dans les rues a été peu de chose. Cela ne sera rien pour le moment: on doute d’ailleurs toujours de la guerre et attend quelque deus ex machina. Je n’ai point oublié le Dr. Spohn. Raoul Rochette est à la campagne pour quelques jours, mais j’espère avoir une partie de facsimile et je lui ai écrit à ce sujet. Il est étonnant quels progrès on a fait à la fois dans différents pays sur les clous et les hiéroglyphes et l’écriture cursive égyptienne! Mr. Young qui n’est pas facile dans les questions de propriétés littéraires, admire le travail de Champollion, mais prétend qu’l |sic| n’a fait qu’étendre des idées. Tout le monde me demande ici après tes travaux. ici on lit beaucoup d’allemand. Je te conjure de mener rondement les publications et de faire suivre tes langues américaines et la gram. basque[c]. Ce sont des trésors pour l’étude philosophique des langues en général! Adieu cher, cher ami. Mille tendres choses à la Li et aux chers enfans. Que ne suis-je dans ce moment au milieu de Vous!
A. Humboldt.
Paris le 8. Mars 1823.
Fußnoten
- a |Editor| Camille Royer de Luynes (eingedeutscht: von Royer-Lühnes) war preußischer Gesandter u. a. in Paris und von 1829 bis zu seinem Tod 1830 in Konstantinopel; siehe Ute Dietsch, Familienarchive und Nachlässe im Geheimen Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz. Ein Inventar (Berlin: Selbstverlag GStA PK 2008), S. 245. Vgl. auch den Brief Alexander von Humboldts an seinen Bruder vom 19. Februar 1823, in dem er ankündigt, dass Royer einen Brief nach Berlin mitbringen werde (Briefe Alexanders von Humboldt an seinen Bruder Wilhelm, herausgegeben von der Familie von Humboldt in Ottmachau, Stuttgart: Cotta 1880, 113). [FZ]
- b |Editor| Ist damit die in Humboldts Bibliothek erhaltene zweibändige Übersetzung des Alten und Neuen Testamentes aus dem Französischen gemeint?: Testamen çaharreco eta berrico historioa. M. de ROYAUMONTEC eguin içan duenetic berriro escararat itçulia cet.: Testamen Çaharra (1775); Testamen Berria (1777), Bayonne: Fauvet-Duharte [Aus dem Französischen übersetzt von Bernard Larreguy]. Siehe Schwarz 1993, S. 18 Nr. 58. [FZ]
- c |Editor| Erst 2012 publiziert: Wilhelm von Humboldt: Vaskische Grammatik. In: Humboldt 2012. [FZ]