Alexander von Humboldt an Wilhelm von Humboldt, 13.09.1824

Paris le 13. Sept. 1824.

Le Roi de France est au plus mal, cher ami: on vient de lui donner les sacrémens en présence de toute la cour et comme probablement il mourra dans la nuit, il y aura des courriers. Je prépare cette lettre pour ne pas manquer l’occasion de répondre à ta lettre du 5. Sept., que je reçois en ce moment et qui m’apprend ton heureux retour de Silésie.[a] Je crains que tu auras beaucoup souffert de la chaleur pendant le voyage. Ma santé est tout à fait rétablie, mais je ne sais comment m’excuser de l’étourderie que je pourrais avoir fait rélativement à ton important mémoire sur les langues et le paquet pour Champollion. Les deux envois ne sont effectivement venus qu’un courrier plus tard, mais je ne conçois pas comment je ne t’en avais pas parlé. Le mémoire sur les formes grammaticales a fait la plus grande sensation ici et je croyais t’avoir écrit que Rémusat en a fait à ma prière un extrait dans le Journal asiatique. Kunth était même chargé de te porter cet extrait. Le manuscrit sur l’influence de l’écriture également marquant est même encore entre les mains d’un Professeur Schulz de Darmstadt, que nous avous |sic|[b] ici et qui a une profonde érudition du persan, arabe et chinois. Tu vois même par la lettre incluse et les notes avec quelle importance nous avons traité ici ces derniers travaux, que nous voudrions (c’est un voeu général ici) voir réunis en un seul volume. Je répondrai à Schulz de préparer l’extrait du mémoire sur l’écriture, mais de ne le donner au Journal asiatique que lorsque tu m’en auras donné la permission. Car le mémoire, n’étant pas encore imprimé à Berlin, tu pourrais avoir quelque scrupule que l’on annonce sur une copie manuscrite. Pourquoi ne l’imprimerais-tu pas de suite. Ce sont des objets infiniment curieux et traités d’une manière entièrement neuve. Fais moi le plaisir d’écrire quelques lignes pour une entreprise au Professeur Schultz, c’est un homme très spirituel et aimable, qui sera pour l’Allemagne en chinois ce que Bopp est en Sanscrit. Il se trouverait très flatté de ton souvenir, tu pourrais lui adresser des questions sur le chinois et dire dans cette lettre quelques mots pour Abel Rémusat qui t’est très dévoué et qui t’a fait recevoir récemment (par acclamation) correspondant de la Société Asiatique. Rémusat, qui tient un peu au système des ultras (avec Letronne et Raoul Rochette) a gagné injustement sur Chézy: il a eu la place de Langlès. La bibliothèque gagnera sans doute par son activité, mais il ne sait pas l’arabe et le persan, et quelque plainte qu’on puisse porter contre la négligence et paresse de Chézy, il a été toujours dur pour lui de rester employé et voir appeller un homme plus jeune pour devenir son supérieur. Quant au manuscrit par Champollion je l’ai lu en grande partie, cher ami, j’ai admiré le talent avec lequel déjà tu t’es rendu maître de ce genre d’interprétation. Le manuscrit a été envoyé par le frère de Champollion à Turinle vrai Champollion travaille toujours à la collection de Drovetti te |sic| où il a découvert une copie de l’inscription de Rosette (du moins les mêmes formules) et deux manuscrits phéniciens! Dis moi donc si Champollion ne t’a jamais écrit ni sur les premières notes que tu m’avais confiées. Cela me confond, car il était plein de reconnaissance pour toi. Il paraît que le Roi de Sardaigne va charger Champollion de publier et faire graver toute la collection de Drovetti. C’est une honte qu’on ne l’ait pas achetée chez nous ou ici pour 300000 frcs., il y a tant de doubles que Blacas (qui a eu le grand mérite d’avoir envoyé Champollion à ses fraix à Turin) m’a dit qu’on pourrait revendre pour 400,000 francs d’objets doubles. Champ. commence ici à imprimer une série de lettres adressées au Duc de Blacas sur la collection Drovetti.[c] Le Duc (et cela est grandiose) a mis 100,000 frcs. à sa disposition pour lui acheter tout ce qu’en hiéroglyphes est à vendre en Italie. Incertain si une de mes lettres se serait perdue (car malheureusement je ne note jamais les dates de celles que j’écris) je te répète aussi, cher ami, que la carte d’Egypte ne fait pas partie de ce que l’on reçoit en cadeau parce qu’elle a paru dans un autre Ministère non au Ministère de l’Intérieur, mais en celui de la guerre.

|neuer Schreibakt|

à 5h du soir.

J’écris ces lignes chez M. de Werther. Le Roi n’est pas mort encore: mais il ne survivra pas la nuit. Le courrier ne porte une lettre que pour annoncer sa mort. Adieu, cher cher ami: j’espère que la bonne Li se sera bien ressentie de ses bains.

Mille tendres amitiés
Humboldt.

Fußnoten

    1. a |Editor| D.h. Ottmachau.
    2. b |Editor| Wohl ein Satzfehler.
    3. c |Editor| Ein vom Autor gewidmetes Exemplar der ersten "Lettre" an Blacas befand sich in Humboldts Bibliothek: Schwarz 1993, S. 50 Nr. 368. [FZ]