Alexander von Humboldt an Wilhelm von Humboldt, 15.10.1824
Je suis heureux de savoir, cher ami, que la bonne Li est heureusement retournée de Marienbad et que sa santé a été fortifiée par les eaux, in denen weht der Erdgeist, comme disent les physiciens romantiques. Je ne puis assez t’exprimer combien ta lettre a rendu heureux M. Schulz: il fera l’extrait de ton excellent mémoire qui ne m’a paru trop abstrait, puisque moi, ignorant et d’une organisation si peu métaphysique, j’ai tout saisi. J’ai au contraire été frappé de la lucidité des idées et de la facilité avec laquelle j’ai saisi toutes les nuances de ton système. Je voudrais bien te pousser de faire imprimer dans un seul volume tous ces mémoires, avant d’en faire un ouvrage le plus grand que les hommes ayent jamais entrepris. Tu sais bien toi même et on le sait même aussi, que personne que toi en Europe possède à la fois le détail des formes grammaticales et les grandes vues philosophiques. Je ne puis m’imaginer que les loix barbares de notre Académie puissent empêcher une telle réimpression: d’ailleurs elle pourrait se faire sans que tu y misses une préface, ce serait sans le sanctionner pour mieux dire. D’après une immoralité de principe on a toujours le droit d’éluder des loix barbares. Tu verras par les deux incluses combien Remusat et Letronne te sont attachés. C’est parce que l’on voudrait de suite te nommer Associé que l’Acad. des inscriptions n’a pas osé te nommer Correspondant: je trame l’un et l’autre avec délicatesse. Tu n’as pas besoin d’en rien savoir: mais cela me fera du plaisir à moi, pour toi c’est une misère. Comme dans une grande position comme la tienne on peut paraître modeste, et que cela sied bien, je dis toujours que tu n’aurais jamais été blessé d’être nommé Correspondant: mais cette Académie est un guêpier dans lequel on se pique et se déchire à belles dents. Ce que tu m’écris sur les retranchemens fera bien gémir. J’avais toujours pensé qu’en matières de finances on ne devrait jamais prédire ce que l’on retranchera. Pourquoi faire savoir aux gens que dorénavant on n’avancera pas. Les revenus de l’Etat diminuent par la crainte même qu’on a de l’appauvrir, les conservations diminuent. Au Mexique le gouvernement fédératif républicain va à merveille. Mon ami intime M. Aleman est a la tête du Ministère.[a] Le Pouvoir exécutif m’a fait écrire au nom de la nation une belle lettre de remercîment pour les services que j’ai rendus en faisant connaître au monde les sources de leur grande prospérité intérieure. Il n’y a pas de doute que sans mon courage il n’aurait pas trouvé en Angleterre pour les mines seules trois millions de livres St. Aussi pour compléter ces actions, les Compagnies ont fait imprimer Sélections en Mexico von Humboldt’s Werken et ont annoncé qu’ils me nommeraient Directeur, ce que pour de bonnes raisons je n’ai pas accepté. C’est une chose bizarre que avec quelque gloire extérieure on soit toujours dans le cas de ne jamais pouvoir tirer un profit matériel de sa position. La vertu est bien peu utile à la vie! Kunth est arrivé enchanté de ses ennemis qui l’ont bien traité et surtout de l’accueil que tu lui as fait. Il dit merveille de la Villa Tegel! Tu sais que mes petites lâchetés avec K. m’ont réussi avec Oltmanns. Nous avons été dans la plus tendre correspondance. Il a vrayement été très aimable pour moi. Mille tendres amitiés. J’embrasse tout le Familienkreis.
A. Humboldt.
Paris ce 15. Oct. 1824.
C’est un courrier russe qui porte cette lettre: je t’enverrai ma lettre du
Gouvernement de Mexique par une autre occasion. Tout est esprit d’imitation
dans ce monde: il voudrait me donner des fêtes comme à M. de L . . . . Deux
grâces: 1) un Roma[b], ne peut on donc pas le réimprimer. 2) une collection
complète de tes mémoires sur les langues.
Fußnoten
- a |Editor| Lucas Alamán war von 1823–25 "Ministro de Relaciones Interiores e Exteriores" in Mexiko.
- b |Editor| Wilhelm von Humboldts Elegie "Rom" (Berlin: 1806).