Alexander von Humboldt an Wilhelm von Humboldt, 21.10.1821
Si je réponds si tard, mon cher cher Guillaume, à ton aimable lettre de Burgoerner, c’est que j’ai été un peu indisposé et que j’ai même eu à garder la chambre. C’était un peu de fièvre de rhume à laquelle tu sais que je suis souvent exposé. Je me trouve beaucoup mieux et je suis comme à l’ordinaire. Ce que tu me dis de la santé de Caroline me ravit plus que tu pourrais croire. Qu’elles ont été longues les souffrances de cette pauvre personne. Dis moi, je t’en prie bien loyalement, si tu crois qu’elle doit sa guérison au magnétisme. Je ne sais ce que je dois en croire moi même et d’après les expériences que je vois ici, il me reste, je te l’avoue, une forte dose d’incrédulité. Mais je me rends à l’évidence des faits, lorsqu’un homme comme toi me dit: „il m’est plus que probable que la guérison est due au magnétisme.“ Ce mot tu ne me l’as pas dit encore. Je te prie aussi de m’initier de nouveau dans les mystères du Gynécée! Y-a-t-il cette année quelque espoir de multiplication chez 3 de tes enfans mariés? Je demande un aperçu exact des espérances éloignées ou prochaines sans cependant promettre de m’en mêler de mon côté si tu persistes à ne pas avoir des petits-fils. C’est peut être moins féodal que de ne pas les avoir. Dis, je t’en supplie, mille et mille choses de ma part à la bonne Li. J’entends de toutes parts que Töplitz lui a fait beaucoup de bien. Ce qui lui fera le plus de bien est le rétablissement de Caroline. L’ami de Koreff, Flemming le Brasilien[a], a été quelques jours ici. Il venait, comme tu peux le deviner, de Normandie de la famille de Mad. de Custine. Il est très aimable, très spirituel, et je l’ai beaucoup vu. Il sait des anecdotes charmantes sur ces révolutions de Rio Janeiro, sur la difficulté que l’on a eu de se former un peuple (de 200 personnes) qui pût paraître en tems et lieu sur la grande place. Les Brasiliens n’aiment pas le grand air et le soleil. C’est cependant ce peuple qui a tout demandé. Pamela |sic| a donné peu de marques de talent là bas, il assistait à toutes les revues en grand uniforme de Lieutenant général, ce qui fit rire le peuple et même le Roi de Portugal. Ce dernier marqué une extrême allégresse d’abord après que l’opération lui a été faite: il était si en train de prêter serment qu’il demandait sans cesse s’il restait quelque chose pour jurer. Les cortes de Lisbonne se comportent de la manière la plus absurde et la plus blâmable, ne laissant aucune force au pouvoir exécutif. Je conçois très bien ce que tu dis de l’impossibilité d’écrire sur Schiller pour un livre français. Heureusement cette vie et ce livre de Barante ont déjà paru. Je ne l’ai pas encore vu. Tu as bien raison qu’il est impossible de se faire entendre lorsque tout est étranger au mode de sentir et d’exprimer ses sentiments. J’expliquerai à la belle Madame de Barante qu’il n’y a rien d’hostile dans ton refus, cher ami. Pardonne moi de t’avoir pressuré à ce sujet. Schöll fait une superbe affaire: il ne rend pas seulement les 15000 fr. (que je lui avais avancés de la part du Gouvernement) en exemplaires des Spécies, mais il me force encore de lui céder ce que doivent les autres livres et d’y ajouter argent comptant pour s’emparer des 24000 fr. que Bülow[b] m’avait donnés. Il a arrangé tout cela sans seulement se donner la peine de me consulter, si cela m’arrangeait. Je ne m’opposerai pas, mais je lui ai fait sentir l’insolente indélicatesse de ce procédé. Il fait peindre des exemplaires noirs (Schmiererei!)[c] et vend pour des bibliothèques de Greifswalde, Breslau... 5 exemplaires des Nova Genera qu’il évalue ensemble 24000 Francs. J’attends la réponse officielle et je me bornerai à en exprimer bien clairement dans cette réponse, que quoique très reconnaissant de cette somme qu’on m’avait prétée, pas un sol m’en est revenu à moi, mais que l’affaire des exempl. a été imaginée par les libraires sans ma participation. Je ne veux pas entraver le commerce qu’on fait avec mes ouvrages, mais je veux que l’on sache que je n’y ai rien gagné. Je possède les cartes de Reichard, elles sont assez bonnes. Dis moi ce que tu sais de Buch, où il est, pourquoi il ne publie pas ses Canaries? Je t’envoye dans un paquet séparément la belle dissertation de Quatremère sur la Vénus de Milo et un livre Archaeologia Americana qu’on m’a donné et qui est mieux entre tes mains. Dis moi quand je pourrai acheter le Mannert[d]? Je te conseille d’étudier Persepolis dans les superbes ouvrages de Sir Richard Ker Porter[e] et de S. William Ouseley[f]. Cela est très instructif. J’avance à présent très bien dans le Persan: je le lis assez facilement dans les ouvrages imprimés et je le parle. J’ai 3 leçons par semaine et je veux cet hiver me fortifier dans l’Arabe. Mille grâces, cher frère, pour le nouveau cadeau de ton Espagne. Tout le monde en est ravi ici. C’est un modèle de critique et les notes renferment beaucoup de choses curieuses. Tu as donné tes idées su le gôle. Je m’étonne que tu appelles cela 3 langues. Cependant dans le sens que le danois est une autre langue que le suédois et l’allemand. Qu’est ce qu’une langue? Le Hollandais en est-il une? Crois-tu que le Bas-Breton soit Cimbrisch-gôlisch ou est-ce un conte bleu? L’ouvrage de Gau sur la Nubie est vrayement très beau. Cela fait restauration de l’Egypte et on ne me le donnera pas. Je suis trop pauvre pour te l’offrir. Ne voudrais-tu pas l’acheter en français ici? Un cahier 18 fr., il y aura je crois 12 cahiers. C’est beau et plus beau que l’Egypte et bien bon marché. Tu sais que le Vandalisme français a fait arracher le Zodiaque de Dendera. Il est à Marseille. Le placera-t-on à la Sorbonne? On dit que Menu Minutoli est à Marseille, aussi. Je t’envoye une lettre d’un petit M. Scholtz[g] personnage hébraïzant qui tient avec lui[h]. Cela te fera rire.
Mille tendres amitiés.Humboldt.
Paris le 21. Oct.
1821.
Mon portrait est-il arrivé, cher ami? Je te prie de faire mille excuses à
M. Kunth de ce que je ne le remercie
pas aujourd’hui de son aimable lettre.
Fußnoten
- a |Editor| Graf Friedrich August von Flemming, preußischer Gesandter in Rio de Janiero. [FZ]
- b |Editor| Damit ist wohl der preußische Finanz- (1813–1818) und Handelsminister (1818–1825) Hans von Bülow gemeint und nicht Wilhelm von Humboldts Schwiegersohn Heinrich von Bülow. [FZ]
- c |Editor| In Frakturdruck wiedergegeben.
- d |Editor| Es ist unklar, welches Kartenwerk von Konrad Mannert hier gemeint ist. [FZ]
- e |Editor| Porter, Robert Ker (1821): Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancient Babylonia, &c. &c.: during the years 1817, 1818, 1819, and 1820, London: Longman, Hurst, Rees, Orme, and Brown. [FZ]
- f |Editor| Ouseley, William (1819–1823): Travels in Various Countries of the East: More Particularly Persia, 3 Bände, London: Rodwell and Martin. [FZ]
- g |Editor| Wahrscheinlich ist damit der Orientalist und Theologe Johann Martin Augustin Scholz gemeint, der Minutoli auf seiner Reise nach Ägypten 1820/1821 bis Kairo begleitete. [FZ]
- h |Editor| Im Druck von 1880 heißt es: "Dieser Brief hat sich unter den Papieren Alexanders erhalten." Der Brief ist jedoch nicht zu identifizieren. [FZ]